Morgan O'Dea

O’Dea Morgan

Ft. Ash Stymest

Plus désordonné que Morgan, cela existe-t-il ? Le damoiseau à tendance à s’éparpiller un peu trop et ne sait pas ordonner ses affaires, son temps libre et ses pensées. Il lui faut toujours un voisin aimable pour lui prêter un crayon ou une feuille, quelqu’un qui sache à sa place quel cours il a à présent et lui dire quels devoirs ils ont à faire. Il rend toujours ses devoirs en retard, oublie toujours ce qu’on lui demande, ce qui a tendance à énerver ceux qui l’entourent, mais ce qu’il y a de pire, c’est sa façon de s’exprimer. Morgan à tendance à ne jamais dire clairement ce qu’il veut ou ce qu’il éprouve. Le brun préfère dire qu’il a froid plutôt de dire qu’il est triste, ou qu’il a mal aux pieds quand quelqu’un l’embête. Cette façon de faire passer ses émotions et envies enduit les autres en erreur, qui se sentent mal à l’aise en sa présence. Ses relations avec les autres sont basées sur des tensions, des incompréhensions la plupart du temps. Plutôt borné, Moragen ne supporte pas que l’on aille contre lui, même si il a tord. Le jeune homme semble rarement se mettre en colère. Il ne devient pas tout rouge, ne se met pas à crier. Colère froide, souvent Moragen se contente de pincer le bras de celui qui l’embête, de lui tirer les cheveux ou de lui faire la tête, s’enfermant dans un mutisme qui en a déjà exaspéré plus d’un.

Rêveur et paresseux, l’adolescent a horreur de devoir se déplacer et aime faire des nuits de douze heures, ce qui explique le fait qu’il sorte peu le soir. Bien qu’il ne soit pas timide, Moragen ne va pas vers les autres, se fiche de leur avis et de leurs critiques, mais ne dit jamais non à de nouvelles compagnies, si il s’en présente. Malgré tout, il semble s’attacher à personne, n’appellent personne, préférant manger seul et rentrer en solitaire chez lui. C’est pourtant quelqu’un de doux, qui aime le contact physique. Pendant toute son enfance, il l’a redouté, ayant peur de faire mal et le redécouvre à présent. Il aime jouer avec les bracelets de ses amies, prendre la main d’une autre ou tirer le lobe d’oreille d’un camarade. Il lui arrive parfois d’être un peu brusque, de faire mal volontairement, mais c’est une façon comme une autre de savoir jusqu’où il peut aller avec une tierce personne.

Les seules personnes avec qui Morgan est injuste, méchant sans raison valable et particulièrement violent sont ceux qui sont et surpoids. On ne sait pourquoi, peut-être leur obésité lui rappelle le gros ventre de l’ours de sa sœur, mais il semble les haïr et les fuir comme la peste. Ceci explique sa maigreur, car pour s’éloigner d’eux et éviter à tout prix de leur ressembler, Morgan fait attention à ne pas prendre un gramme. Une obsession, chez lui.

Du haut de son mètre quatre-vingt, il vous regarde de ses yeux trop bleus, vous fixe et jamais ne détourne le regard. C’est comme si vous vous noyez. Vous suffoquez, tentez de rompre le contact qui s’est établie entre vous et lui sans y arriver. Ces yeux sont hideux, d’un bleu qui vous semble noir, noir d’horreur. Qu’a-t-il fait pour mériter cela, pour avoir le regard du Diable ? Jamais ils ne cillent, d’une fixité indécente. Et une fois la surprise du premier regard passée, la beauté maléfique de ses yeux vous envoûte. On en oublie les traits fins de son visage, son nez droit et sa bouche aux lèvres pleines, petite comme celle d’une poupée et que parfois un tendre sourire amollit ou tend, laissant entrevoir ses dents blanches parfaitement alignées comme celles d’un carnassier.

Son cou est long et souple, cou de cygne que l’on pourrait tordre en moins de deux si on ose le toucher et braver sa peau douce, délicate et pâle. Une peau sans aucune imperfection, qui se colore de tatouages petit à petit tout comme son âme se noircit au fil du temps, comme le fer s’oxyde en vieillissant. Ses membres sont eux fins, aux muscles noueux mais d’une force que l’on ne peut soupçonner chez cet être à la limite du cachectique. D’un doigt il peut trouer une pomme et d’une pichenette blesser un enfant au front. Ses os et articulations sont solides, il est endurant, bien qu’il fasse peu de sport. Et ses mains, grandes, des mains d’ogres aux doigts de fées, qui peuvent recoudre un bouton tout comme vous briser le bras, ou caresser votre corps avec une sensualité à la limite de la débauche et de la perversion. Morgan est tout, le beau, le laid, la douceur et l’ardeur, la fragilité et la force. Il n’y a qu’un mot pour le qualifier. Fascinant.

Morgan est un être qui se veut discret, s’habillant sobrement, sans aucune prétention. Mais hélas, son vœu n’a pas été exaucé. Grand, le port altier et le regard haut qui semble survoler tous ceux en contrebas, Morgan semble toujours se trouver au-dessus du reste de la foule. Il inspire le calme et la sérénité, ainsi que la peur, par la faute de ses yeux à l’éclat semblable à celui d’une lame de couteau. On a envie de le toucher, pour être sûr qu’il est réel, mais en même temps on éprouve une certaine répulsion à son approche.. Il a des gestes souples et aériens, se meut avec une telle légèreté que parfois on le trouve efféminé, bien que chaque mouvement laisse entrevoir la force qui l’habite. Morgan a quelque chose d’un démon, alors qu’il semble être un ange.

Je vais le détruire, le déchirer, l’arracher, le tordre et le réduire en miettes. C’est cette envie irrépressible, étrange et incompréhensible envie de détruire l’ours en peluche de sa sœur qui fit tout chambouler. Pourquoi vouloir démembrer cet ours de tissu, faire jaillir la ouate qu’il contenait ? Pourquoi donc vouloir être méchant, vouloir détruire cette peluche qu’aimait tant sa sœur ? Morgan n’avait jamais eu de jouet qu’il aimait autant que sa sœur aimait cet ours en velours brun. Ah, certainement que Lison pleurerait, qu’on le gronderait. Lison, sa petite sœur de deux ans, qui ne cesse de pleurer, refuse de manger ceci, de faire cela… Mais c’est de la délicatesse chez elle, c’est qu’elle est fragile, alors on ne la force pas. Et lui, le fils un peu rude, qui mange tout et qui a toujours été obéissant… Morgan se saisit d’une paire de ciseaux et de l’ours en peluche, fébrile, alors que sa sœur dormait dans son berceau, à quelques centimètres de lui. Il lui coupa une patte. Puis l’autre. La ouate blanche sortit comme si les membres décapités de la peluche la vomissait. C’était un gros ours plein de bourre… Morgan y enfonça ses doigts tremblants et en retira la garniture, et une fois cela fait, coupa le tissu, en tant de petits morceaux que sa mère sera bien incapable de le recoudre, comme la fois ou cette peluche avait perdu un œil, ou quand la couture de son dos avait commencé à se défaire. C’était un vieil ours que Morgan n’aimait pas. Sa sœur pleurerait, oh oui, et le détesterait pour ce qu’il aura fait. Puis l’oublierait vite. Mais lui se souviendra toujours du jour où elle est née, et que ses parents l’abandonnèrent. Parce qu’il était grand et elle si petite, fragile et délicate. Dans un accès de colère, saisissant les ciseaux comme un poignard et lâcha le dernier pan de velours gris par terre, Morgan se retourna et planta les froides lames dans le corps mou de sa sœur.

C’est dur de se dire que son fils de sept ans, haïssant tellement sa petite sœur, tenta de la tuer. C’est dur d’envoyer son fils à l’autre bout du monde. Passer de l’Irlande à la Californie, du froid sauvage au chaud civilisé, être captif d’une ville inconnue et de gens inconnus. Des cousins, disent-ils. Des cousins obèses et puants auxquels Morgan ne réussit jamais à s’y faire. Il traita sa tante de vache à graisse, son oncle de lard avarié, dit à son cousin qu’il avait été fait avec la cellulite de sa mère et façonné avec un couteau à beurre. Il n’y a que Nana, la petite dernière, aussi grosse que les autres sur qui il ne criait pas. Parce qu’elle était comme sa sœur, qu’elle lui faisait peur, qu’il n’avait pas envie d’être encore une fois exilé. Conscient de sa faute, parfois il s’empressait vers elle, l’embrassait, la prenait dans ses bras, lui demandait pardon et dès qu’il avait un peu d’argent, la couvrait de cadeaux. A neuf ans, il se fit renvoyer de son école primaire car les parents, ayant appris ce qu’il avait fait, eurent peur pour leurs enfants et firent pression sur le directeur. On la changea d’établissement, mais Morgan n’y mit jamais les pieds. Il ne voulait pas que cela recommence, les regards apeurés, étonnés, intrigués posés sur son petit corps frêle, tout frêle… A la place, il vagabondait dans les rues. Cela dura quelques semaines, avant que ses parents adoptifs soient mis au courant. Morgan s’expliqua, pleura, frissonna, tomba malade, devint fou. On lui en voulait, tous avaient peur de lui, de sa jalousie. La seule solution qui s’ouvrit à lui fut d’apprendre à la maison. Ce fut une jeune éducatrice, Allison qui s’occupa de lui. Vertueuse, éduquée, maigre comme un clou. En plus de lui apprendre l’histoire, la géographie et les mathématiques, Allison lui apprit la musique. A douze ans, l’adolescent composa un morceau de piano sans jamais avoir effleuré une seule touche de cet instrument. Il écrit des paroles qu’il ne chanta jamais. Des paroles à celle qui lui avait tout appris, même l’amour. Allison. Sa présence l’apaisait, avec le temps il devint plus stable. Dans ses grands yeux bleus disparaissait toute sa triste haine.

Il n’eut l’occasion de l’embrasser qu’une seule fois. Le jour de leurs adieux. A présent il avait quinze ans. Dans quelques mois, il entrait au lycée. Le temps avait passé, tout effaçait, on le pardonnerait certainement si cela se savait. Il émit un seul vœu, qu’elle accepta. Celui de l’embrasser. Ce fut comme une caresse cruelle, une sucrerie auquel il n’aura plus jamais le droit. Morgan ne rappela pas Allison et ne la vit plus jamais. Le temps passa, la première année de lycée se termina, la seconde commença.

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